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Veröffentlicht am 21­.09.2011

21.9.2011 témoignage chrétien

Benoît XVI attendu de pied ferme en Allemagne

Par Philippe Clanché
Grâce à l’administration fiscale – 9 % de l’impôt sur le revenu dû par chaque foyer fiscal est reversé à l’institution religieuse dont il se réclame –, on sait précisément combien l’Allemagne compte de catholiques.

De 28,2 millions en 1990, ils n’étaient plus que 24,6 millions en 2010, pour 80 millions d’habitants. Ils devancent sur le fil l’Église protestante, riche de 24,2 millions de fidèles.

L’année 2010 restera particulièrement funeste pour le catholicisme allemand. En effet, pour la première fois, le nombre de sortie d’Église (180 000) a dépassé celui des baptêmes.

L’accélération spectaculaire du mouvement observé de­puis la réunification (1990) s’explique par une série de scandales sexuels. « Ces révélations ont causé beaucoup de tort, observe Sylvie Toscer-Angot, maître de conférence en civilisation allemande et membre du Groupe Sociétés, religions, laïcités du CNRS (1). Dans les diocèses du sud, très catho­liques, de nombreux fidèles ont alors rejoint l’Église protestante. Un phénomène très rare, hormis en cas de mariage mixte.

Malgré une réaction rapide et vigoureuse de l’épiscopat et des mea culpa répétés, la tension n’est pas retombée. Beaucoup s’étonnent qu’aucun rendez-vous ne soit prévu entre le pape et les familles de victimes pour ce voyage pontifical soigneusement préparé. Mais il faut se souvenir que des entretiens discrets ont parfois eu lieu lors de précédents voyages qui n’ont été révélés qu’après coup.

CONTESTATION
Ces drames ne sont pas les seuls sujets de tensions dans l’Église catholique allemande. Les demandes de réforme concernant les ministères (célibat obligatoire, interdiction du sacerdoce féminin) reviennent régulièrement sur le tapis, sur fond de baisse du nombre de prêtres.

En Allemagne, ces débats sont animés par des organisations de laïcs représentatives et enracinées. La plus puissante est le Comité central des catholiques allemand (Zentralkomitee der deutschen Katholiken, ZdK), existant depuis plus de 150 ans. « Il est le pendant laïc de la Conférence épiscopale, explique Sylvie Toscer-Angot. Le ZdK peut porter une parole de contestation, car il dispose d’une liberté de parole supérieure aux évêques. »

Sans entrer en rébellion, et en gardant en son sein un évêque comme assistant spirituel. « Le ZdK reste un mouvement d’Église, qui se permet certaines prises de position, mais toujours en deçà d’une limite à ne pas franchir. Son rôle, pas facile, consiste à assurer le relais de l’épiscopat tout en gardant une parole authentique, pas inféodée à Rome. »

CURIEUSE ALLIANCE
Cette liberté vis-à-vis de l’institution peut être un atout majeur pour la résolution de crise. La sociologue se souvient d’un épisode marquant des relations entre Rome et l’Église d’Allemagne :
« À la fin des années 1990, Rome a demandé la fermeture des Centres de consultation médicale tenus par des catholiques et susceptibles de proposer à des femmes l’option de l’avortement. Le cardinal Karl Lehmann, alors président de la Conférence épiscopale, a tout tenté pour faire fléchir le Vatican. En vain. Les institutions catholiques se sont retirées de ces centres. Une fédération de laïcs catholiques, coordonnée par le ZdK, a repris la gestion de ces centres, dans des structures non reconnues par l’épiscopat. »

Les établissements étaient sauvés et les évêques ont pu demeurer dans l’obéissance. Lors de cet épisode, a vu le jour une curieuse alliance entre les évêques et les laïcs, face au Vatican.

« Le ZdK demeure globalement en phase avec l’épiscopat. Si celui-ci voit s’opposer différentes tendances, son président est toujours un prélat ouvert », note Sylvie Toscer-Angot, qui sent actuel­lement cette alliance germanique contre le Vatican et l’illustre allemand qui en est le chef.

En témoigne cette curieuse intervention dans la presse de Mgr Robert Zollitsch. Quelques jours avant d’accueillir le pape dans son diocèse de Fribourg, le président de la Conférence épiscopale a émis des réserves sur l’interdiction d’accès à la communion pour les divorcés remariés, avant d’être repris par le Nonce apostolique, représentant du Vatican dans le pays.

Suite notamment à un texte signé par 190 théo­logiens en février dernier, la Conférence épiscopale a lancé un vaste processus de dialogue, réunissant 300 délégués, à Mannheim en juillet. Il s’agit de faire le bilan de la situation de l’Église et de la foi dans la société allemande.

« Nous avons trouvé le ton juste » a apprécié un des responsables du ZdK, en sortant de cette première rencontre. Moins enthousiastes, les militants de Wir sind Kirche (Nous sommes l’Église), cousin des Réseaux du Parvis français, attendent des résultats rapides quand les évêques annoncent cinq années de discussion. « Cette structure permet d’apaiser les tensions, de garder une cohésion interne et d’éviter les départs, observe la sociologue. Il est difficile de dire ce qu’il va advenir. Rome n’a pas l’habitude de plier. »

RICHESSE
Dans ces échan­ges, il convient de ne pas oublier un intervenant impensable en France : les responsables politiques qui s’invitent volontiers dans les polémiques intracatholiques.

« Il s’agit principalement d’élus chrétiens démocrates qui ont du mal à être en phase avec Rome sur les questions d’éthique comme l’avortement, ou de démocratie », affirme Mme Toscer-Angot. « En 2009, la chancelière Merkel avait pris fermement position contre la levée de l’excommunication d’un évêque suspect de négationnisme. Les sociaux-démocrates (plus souvent protestants) et les chrétiens-démocrates sont attentifs à la vie des Églises qu’ils considèrent comme des partenaires. »

En janvier dernier, des élus de la CDU ont écrit à la Conférence épiscopale pour demander une réforme de la loi sur le célibat des prêtres et l’autorisation pour des viri probati (2) de faire fonction de célébrant.

On devine que le Vatican apprécie peu ces interventions. Mais devant la richesse des diocèses allemands, il fait le dos rond.

Durant son séjour dans son pays natal, Benoît XVI va se désoler de la sécularisation qui progresse depuis la Réunification de 1990. Deux des diocèses qu’il visitera en sont les témoins : on compte seulement 7,8 % de catholiques en Thuringe et 9,2 % dans le land de Berlin. Le pape pourra au moins se réjouir de voir que l’avenir de l’Église intéresse tout le monde.

Zuletzt geändert am 21­.09.2011